Je ne suis pas mon anxiété
Pour la première fois de ma vie je suis en arret maladie pour plusieurs semaines. En cause un épuisement mental après avoir bataillé des mois à etre forte, résiliente, proactive, toujours en adaptation. Comme si je m'étais prise des petites vagues qui m'avaient éclaboussées jusqu'alors, et que la dernière était de trop.
Ma vie professionnelle n'a été qu'une série de désillusions et d'adaptations. Beaucoup d'efforts, d'attente, de grandes joies aussi et puis là l'épuisement mental. Il m'a fallu du courage pour dire stop et m'empecher de me faire subir cette souffrance psychique devenue quasi-quotidienne.
Cette dernière année a été pourtant une "consécration" pour moi car à 34 ans j'ai eu mon premier 35h en CDI. Cela parait inimaginable à la personne que j'étais en sortant de mes études. Quels efforts j'ai fait pour en arriver "juste" là ! Ce fut un immense soulagement, tellement j'avais le sentiment de retenir mon souffle depuis plusieurs années, j'allais enfin pouvoir avancer dans ma vie, faire des projets, imaginer un futur "normal".
Alors j'ai donné tout ce que je pouvais comme je le pouvais, et je me suis montré que je pouvais évoluer. Je voulais me montrer que j'en étais capable, que je pouvais assumer plus de responsabilités, pour moi, pour mes projets à venir. Et surtout je voulais continuer à apprendre toujours de nouvelles choses. Comprendre davantage comme les choses fonctionnent. J'ai sous-estimé certains aspects aussi. Surestimé d'autres. J'avais confiance en mes capacités, tant que je ne laissais pas la petite voix anxieuse me dire "et si quelque chose tourne mal ?".
Mais plus le temps avance et que la fatigue s'accumule plus cette résistance à cette petite voix est difficile à tenir. On n'arrive plus à s'ancrer dans le présent et on s'enferme dans des projections anxieuses du futur. Et on sait que le retour en arriere peut etre long. Mais jamais impossible, vu qu'on l'a déjà traversé.
Etre anxieuse c'est comme une sorte de maladie chronique avec laquelle on apprend à vivre. C'est challengeant, c'est fatiguant. Cela demande beaucoup d'efforts, d'installation de rituels, tant qu"on le peut. Et ce n'est pas simple de s'y astreindre. Faire les choses bonnes pour soi sont simples mais parfois très compliquée à mettre en place.
Mais quelle victoire quand on surmonte ses peurs. En 2023 j'ai eu 3 expériences qui m'ont beaucoup marquées et qui m'ont énormément apportées. Celle tout d'abord de co-organiser un EVJF, et participé à plusieurs aspects du mariage d'une de mes meilleures amies. J'y ai beaucoup appris, je me suis surprise à me trouver solide, déterminée, capable de s'imposer. J'ai aussi vu pour la première fois un concert, celui de Harry Styles au Stade de France, alors que j'appréhendais la foule, au final c'était un moment de plénitude intense et inégalée. Enfin j'ai vécu des vacances idylliques en faisant la Loire à Vélo avec mon chéri, où nous avions tout organisé nous-meme, et tous les choix que nous avions fait étaient les bons.
Evidemment ces moments ont été entrecoupés de moments plus difficiles. Ce n'est jamais linéaire et toujours mouvants, on peut etre souvent surpris, meme si on travaille pour aplanir ces ondulations.
Car l'anxiété c'est ça : "avoir peur d'avoir peur". Cela semble ridicule pour un non-anxieux, pour un esprit cartésien. Malheureusement pour nous les anxieux, nous avons un imaginaire très développé pour créer des sources d'anxiété.
Accepter cette situation telle qu'elle est, c'est beaucoup de travail. "Ok, j'ai ça, mais je ne suis pas ça". Je suis bien plus et ça ne me défini pas. Il faut se le répéter beaucoup beaucoup de fois. "Je ne suis pas mon anxiété", je suis aimée pour tout mon etre, et surtout je m'aime pour tout ce que je suis. Je ne suis pas coupable de cette situation. Je ne suis pas coupable de l'état que l'anxiété me fait subir.
Sur le plan personnel, je le vis plutot bien car j'ai une immense chance : celle d'etre écoutée, accompagnée, comprise, sans etre jugée.
Sur le plan professionnel c'est une autre histoire. En 2024 on doit encore lutter pour ne pas etre vue comme "faible", "vulnérable", "fragile" et tout autre adjectif dépréciatif. Souffrir d'anxiété et avoir un problème de dos chronique n'est pas vu de la meme manière. On peut facilement s'identifier dans une douleur physique, mais je pense qu'il parait beaucoup plus abstrait de se projeter dans une douleur mentale, tant que l'on ne l'a pas vécu, ou alors qu'on n'a peu d'empathie envers autrui.
Aujourd'hui j'aime me rappeler que beaucoup d'anxieux sont capables de faire de grandes choses, et que dans l'état où est le monde, nous ne sommes pas un si petit groupe que ça. Certes, une personne non-anxieuse fera un pas alors que nous aurons besoin de deux pour avancer, qu'il nous aura fallu plus d'énergie pour y arriver, mais cela prouve aussi une ténacité à toujours vouloir se relever, en sachant qu'il y aura encore du bien et du moins bien à venir.
Je suis une personne anxieuse et je vais continuer à montrer que l'on peut faire de belles choses.