17.10.2020

Ma vie de conseillère maquilleuse - Episode 4 : le maquillage n’a pas de genre

Maquillage Pour Tous

Oui, grâce à ce métier j’ai appris que le maquillage n’avait pas de genre.

Alors, vous allez me dire, d’un point de vue marketing et publicitaire c’est tout a fait tiré par les cheveux, car dans la plupart des marques, et même si certaines font des efforts, les égéries restent majoritairement de jeunes femmes (cisgenres).

Dans les faits, je veux dire que le maquillage est universel. Il n’appartient pas qu’aux femmes, mais à tous les genres et ne dit rien de l’orientation sexuelle. Et ce n’est pas tant enfoncer une porte ouverte dans notre société occidentale. On me demande parfois en magasin s’il existe du maquillage pour homme, par réelle curiosité. Alors je réponds que non, que les hommes, qu’ils soient novices ou make up artist utilisent les mêmes produits ! Certaines marques ont essayé de brander un maquillage masculin ( selon eux « non genré » mais la gamme s’appelle quand même « mister »). Cela est bien plus présent dans le domaine du soin et encore davantage dans le parfum... mais rassurez-vous, les produits estampillés pour femme ne sont pas moins efficaces sur les hommes !

Pas plus tard qu’avant hier, j’ai conseillé un jeune garçon et sa maman, j’ai trouvé cela génial quand elle m’a dit qu’il adorait le maquillage et qu’il était très doué !

Ce métier m’a beaucoup appris et fait évoluer sur mes propres prejugés. J’avais parfois des convictions que je n’arrivais à traduire en actes. Mais, petit à petit j’ai su apprendre de mes maladresses, de ma gêne même parfois.

J’ai maquillé... pas mal d’hommes. Beaucoup pour de l’anticernes, mais aussi pour couvrir des tatouages, j’ai expérimenté aussi de camoufler une guérison d’implantation de cheveux. Appliquer du fond de teint pour des tournages aussi. Une fois, J’ai même appliqué du mascara à un homme parce qu’il avait perdu un pari avec ses collègues féminines. On avait bien ri.

Généralement, c’est assez amusant de les voir arriver en « terre inconnue ». Alors il faut les rassurer et dédramatiser pour certains d’entre eux ( sans doute inquiets de perdre un brin de « virilité » dans cette affaire).

Je pense que la rencontre qui a véritablement changé ma vision de choses est celle-ci, une personne- qui me semble s’identifiait au genre masculin- mais définitivement assumait sa part de féminité nous a demandé un maquillage des yeux. C’était la première fois. Je l’admet j’étais très mal à l’aise. Mais j’ai accepté de le maquiller car pour moi tout le monde doit avoir accès au même service.

Je pense que j’étais plus stressée que lui. La vérité c’est que je ne pensais ne pas savoir faire ! Tout un tas de « fausses questions » me trottait dans la tête : comment maquille t-on un homme ? Qu’est ce qu’il attend de moi ? A quelle occasion fait-il cela ? J’ai réalisé par la suite - trop tard pour cette fois ci- que tout ça n’avait bien sûr pas d’importance.

Il me demande donc un dégradé de fards et un eye liner et je m’attèle à la tâche tout en engageant la conversation. Je comptais sur mon expérience pour m’en sortir comme je l’aurais fait sur une cliente. Sauf que... je n’avais pas anticipé le léger duvet sur ses paupières qui font que je n’arrive pas à mélanger les fards et obtenir de l’intensité. Fébrile, je finis l’eye liner moins bien que d’habitude. Il me remercie et une fois partie je m’autoflagèle un peu en me disant que j’aurais pu faire mieux. Or, et je sais le reconnaître maintenant, je ne savais pas maquiller un homme à ce moment-là. Il y avait certaines subtilités que je ne connaissais pas, et je l’ai appris, un peu au détriment de cette personne et de ce maquillage imparfait.

On ne m’y reprendra plus. Il y a moins d’un an une autre personne est venue nous solliciter à nouveau- une de mes collègues refusant de le faire sans doute mal à l’aise, je l’accueille souriante pour réaliser un make up yeux, avec application de rouge à lèvres en plus. Il me donne carte blanche, et plus sereine je suis très satisfaite du résultat ! J’avais pris en confiance et surtout j’avais balayé toutes ces questions parasites suscitées par ma peur pure et simple de l’inconnu.

Aujourd’hui je suis fière de travailler dans une enseigne où les gens de la communauté LGBT+ , - et toute celles qui ne s’identifient dans aucune case- se sentent assez en sécurité pour entrer dans un magasin tels qu’ils le sont, avec leurs envies, leur passion de la beauté et du make up. Et je me suis éduquée pour que mes valeurs soient bien alignées avec mes actes pour offrir à chaque personne un espace de confiance, d’écoute et de bienveillance. Je me sens une personne plus riche aujourd’hui. C’est ce que j’aime dans le monde du maquillage, qui nous permets chaque jour de trouver l’audace de montrer qui nous sommes, de la discrétion à l’extravagance et ce, sans aucun jugement.

Je suis consciente d’avoir encore beaucoup de choses et de techniques à apprendre et je les découvrirai avec envie et curiosité !

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